Qu’est-ce qu’on mange dans cette ville si “différente”? Quels sont les plats les plus savoureux de sa tradition? Quelle histoire se cache derrière ces mets et quels sont leurs ingrédients?
Le lieu même où Venise surgit fut un véritable don de Dieu : un arrière-pays très riche en gibier et animaux, une lagune très poissonneuse et des potagers qui produisaient, et produisent aujourd’hui encore, beaucoup de légumes et de fruits de toutes sortes.
L’influence de la cuisine orientale fut aussi très importante, grâce aux profonds liens culturels et commerciaux que la Sérénissime eut avec Byzance et le Levant, y compris les influences liées à la cuisine d’autres pays dont les représentants commerciaux résidaient dans le creuset de civilisations qui fut la Venise d’autrefois.
Il s’agit d’une cuisine “fusion”, riche et pauvre en même temps, simple et très épicée. Les épices, denrées très importantes importées d’Extrême Orient, avaient, et ont encore aujourd’hui, des utilisations infinies. Elles étaient légères mais très coûteuses parce qu’elles se prêtaient à des utilisations illimitées.
À l’époque l’on pensait que les épices corrigeaient les défauts des aliments, donc on les utilisait non seulement dans les plats mais aussi pour épicer les vins ou on les consommait également confits à la fin du repas.
Les marchands vénitiens, qui étaient d’excellents hommes d’affaires, avaient tout de suite compris que l’utilisation des épices n’était pas du tout simple pour leurs clients européens, et ils ont mis alors en place une opération de marketing très intéressante : ils ont créé les “sacchettis venetis”, c’est à dire de petits échantillons gratuits d’épices accompagnés de leur mode d’emploi à offrir à leurs riches clients qui venaient acheter du sel et d’autres marchandises au marché du Rialto ; évidemment cela les encourageait à en acheter plus (à des prix bien plus élevés) au cours de leurs voyages suivants.
En général on utilisait des matières premières de haute qualité, lesquelles, une fois transformées en plats, sont arrivées jusqu’à nos jours à travers une longue tradition culinaire et qui représentent, encore aujourd’hui, la base de la tradition gastronomique vénitienne: du poulet, du bouillon, des “savori”, des herbes ou des épices “bonnes”, du gingembre, de la cannelle, du verjus, des amandes ou du lait d’amande, du poisson, du miel et tant d’autres. Quelques exemples?
Le célèbre saor qu’on peut goûter dans nos bacari (bar à vin) ou dans nos restaurants typiques, est un plat qui existe presque inaltéré depuis 1300, on l’appelait “cisame de poisson“ et la seule différence est qu’à la place des pignons de pin d’aujourd’hui on ajoutait des amandes pelées et plusieurs épices fortes (imaginez-vous qu’à Venise en 1300 on utilisait entre 30 à 40 types d’épices différentes! ).
Que dire du célèbre baccalà mantecato (littéralement morue crémeuse) qui est un cheval de bataille de notre cuisine? Il s’agit en réalité de stockfisch (pas de morue) longuement travaillé à l’huile d’olive selon une ancienne recette… mais le stockfisch n’est pas un poisson local! En effet il est arrivé de Norvège à Venise grâce au noble navigateur Pietro Querini, qui l’a découvert par hasard après le naufrage de son bateau près des îles Lofoten… mais celle-ci est une autre histoire, l’une des nombreuses histoires de navigateurs et marchands, d’aventuriers, d’explorateurs et d’hommes de main rusés qu’on vous racontera lors de nos visites!